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Mise à jour le 08-déc.-2003.

 

 

 

CAPTIVITÉE

ÉTAPES EN BELGIQUE VERS LA HOLLANDE

Après cet effondrement si subit, nous avons été éloignés de la zone de combat et dirigés par longues colonnes sur MAESTRICHT en HOLLANDE (1) traversant la BELGIQUE en trois jours.

 

Ordre de marche du 10 mai 1940Au départ de LILLE (2), nous avons été conduits à l'État-Major du Corps d'Armée Allemand qui venait d'entrer à LILLE ; quelques Officiers dont le Général MUSSE (commandant la 47ème DI) qui commandait une division et était légèrement blessé à la tête, le Colonel MEUNIER (Commandant de l'Artillerie Divisionnaire / 25e Division d'Infanterie Motorisée (25e DIM) ) et plusieurs autres Colonels dont moi-même, nous avons appris que l'Armée belge venait de capituler et avait ainsi ouvert la route à ce corps d'Armée qui nous prit à revers.

 

L'accueil fut très digne, un Officier Allemand nous dit à cette occasion :

" - Votre artillerie est redoutable et nos hommes la craignent. La meilleure armée du monde à l'heure actuelle serait celle qui serait composée par l'Infanterie Allemande, l'Artillerie Française, la Cavalerie Polonaise ".

Le corps d'Armée avait combattu peu avant contre la division du Général JUIN et avait été assez éprouvé par son artillerie.

Le Commandant Antoine Monne en 1934Pendant ces étapes vers la HOLLANDE, je pensais que malgré cette défaite de notre dispositif du Nord, la guerre allait durer et que par conséquent il fallait tenter de s'échapper et de rejoindre nos lignes. Je pris mes dispositions, me procurant une carte de la région et cherchant des effets civils (je n'ignorais pas que repris ainsi vêtu dans les lignes adverses, je risquais d'être fusillé) ; je m'en étais ouvert à un lieutenant de mon régiment, DESCHELETTE ; mais avant de me lancer dans l'aventure je voulus éprouver ma résistance physique. J'effectuais alors à pied avec la troupe d'Officiers subalternes le trajet de vingt huit kilomètres, étape de ce jour.

Parvenu à MAESTRICHT en HOLLANDE, en fin d'après-midi, j'étais fourbu et raide d'autant plus que pendant la Bataille d'ANVERS, je m'étais foulé une côte en tombant dans mon poste de commandement au sous-sol d'une belle villa, pendant la défense du passage de l'ESCAUT au bord de BENEREN WAOS (Ouest d'ANVERS). J'étais sanglé très étroitement dans un étau de toile pour empêcher ma côte de jouer à chaque effort ; je n'avais pu dormir pendant les combats de DOUAI qu'à cheval sur une chaise. Je ne pouvais songer à un évasion dans un tel état de fatigue, car depuis quinze jours nous étions nuit et jour sans relâche soit au combat, soit en déplacement ; je remis donc à plus tard la réalisation de mon projet et donnai à DESCHELETTE la carte routière ; j'ai su depuis qu'il avait pu rejoindre l'ANGLETERRE.

 

EN ALLEMAGNE

À MAESTRICHT nous avons été embarqués à la tombée de la nuit dans un train de marchandises qui nous conduisit à SOEST (3), dans l'ouest de l'ALLEMAGNE. C'était une sorte de camp de triage dans une vaste caserne aux nombreux bâtiments ; mais nous étions logés sous des tentes immenses et nous couchions sur la paille.

Quelques jours plus tard, nous étions acheminés par train vers une destination inconnue qui finalement se révéla être le Camp d'ELSTERHORST OFLAG IVD près d'HOYERSWERDA (4)à la pointe occidentale de la SILÉSIE, à 30 kilomètres environ de BAUTZEN (au nord).

Le chemin jusqu'a l'oflag 4 d Le voyage fut interminable ; près de trente six heures, mais il eut pour moi beaucoup d'intérêt parce qu'il me permit de prendre contact avec quelques militaires allemands du détachement d'escorte. Je ne voyageai pas dans les wagons de marchandises, avec les autres Colonels nous étions dans un compartiment d'une voiture qui était occupé en majeure partie par le détachement allemand. À plusieurs reprises dans le couloir il fut possible d'échanger quelques propos avec nos gardiens qui ne demandaient d'ailleurs que cela. Aussi étrange que cela puisse paraître, ces conversations esquissèrent pour moi un portrait de l'ALLEMAGNE Nazie autre que celui que je m'en étais fait.

Le premier contact fut celui d'un trompette réserviste d'une quarantaine d'années, d'aspect quelque peu fluet qui profita subrepticement d'un arrêt du train dans une gare où l'on distribuait des boissons chaudes et un petit pain blanc à chacun des militaires allemands. Il vint à l'entrée de notre compartiment et après des regards furtifs à droite et à gauche dans le couloir, il nous dit en allemand :

" - Toujours, toujours boire café, café, jamais à manger, jamais ".

Puis enchaînant il ajoute très vite :

" - Vous autres Français vous n'avez pas fait assez attention à ce qui se passait en ALLEMAGNE et à présent voilà ce qui vous arrive… Si nous n'avions pas un bon rendement ou si nous élevions la voix, nous étions qualifiés de " Saboteurs " c'est grave, fusillés !…, moi je suis social démocrate mais je dois le cacher, j'allais jouer de mon instrument quand je trouvais, j'améliorais ainsi ma subsistance mais… ".

La conversation s'arrêta brusquement car un camarade lui dit d'aller chercher son petit pain blanc. Il nous fit signe de taire ce qu'il avait dit en mettant un doigt sur sa bouche. Il revint peu après, sourit en passant et ne dit rien jusqu'à l'arrivée.

Plus tard dans l'interminable voyage, debout dans le couloir, j'observais émergeant au loin à la cime d'une montagne boisée un grand et imposant monument, le crépuscule tombait sur une journée d'été magnifique et mélancolique je fredonnais très bas, c'est alors que s'approcha de moi un tout jeune soldat allemand qui me dit :

" - Ah vous trouvez beau ce paysage, vous chantonnez ".

Je répondis :

" - C'est assez beau en effet le soleil, la forêt ; c'est apaisant. Mais quel est donc ce monument là-bas ?

Il me dit aussitôt avec volubilité :

" - C'est le monument du Grand Empereur Frédéric BARBEROUSSE et l'on dit qu'il va y avoir un autre grand Empereur comme lui ",

" - Ce n'est pas facile à réaliser à notre époque ", répondis-je,

" - Oh si, cela se fera ; cela va se faire avec le FUHRER ",

" - Il y a beaucoup de chemin à parcourir ", lui dis-je,

" - Non, dit-il, avec la Victoire c'est prédit ".

Je sentis que j'avais à faire à un fanatique et je le laissai donner libre cours à son exaltation.

Plus tard, à la nuit tombée, j'étais à nouveau debout dans le couloir pendant que le train roulait avec une lente monotonie, le Sous-Officier du petit détachement vint près de moi et la conversation s'engagea de nouveau. C'était un homme plus âgé que les autres qui avait fait la fin de la guerre 1914-1918, un Bavarois qui me demande entre autres choses :

" - De quelle religion êtes-vous ",

" - Catholique Romain ", répondis-je.

Vivement à voix presque basse, il me dit :

" - Moi aussi ! Tenez, j'ai mon talisman ".

Croix de ferIl avait ouvert le haut de sa tunique, écarté sa chemise et à même la peau, sur sa poitrine il portait une croix enveloppée dans un sachet de toile, mais c'était la croix de fer allemande équivalent de notre croix de guerre. Il ajouta :

" - Elle m'a toujours protégé dans l'autre guerre et j'espère qu'elle me protégera aussi dans celle-ci ".

Il n'avait pas l'air emballé de se retrouver dans une telle bagarre et la récente victoire des armées allemandes ne l'avait pas grisé. Il me dit aussi :

" - Nous autres catholiques nous luttons pour la même cause, pour que Dieu nous donne des jours meilleurs ".Plan d'Hoyerswerda

Puis son service l'appela et ce fut la fin de nos contacts verbaux avec les militaires qui nous gardaient.

Lentement le train s'achemina vers sa destination finale, HOYERSWERDA, localité rurale de l'importance d'un chef lieu de canton que nous avons atteint le lendemain après-midi.
 

 

           

Campagne de 1940 : Évasion de l’OFLAG IVD en Silésie par le Gal Antoine Monne

   contact : monne (-at-) monne.fr